Tuesday, January 17, 2006

Deuxième Chapitre...

CHAPITRE II/
Tic tac, tic tac, tic tac…

Heure après heure, je laisse le temps passer. Minute après minute, seconde après seconde, il devient un pas cadencé, un souffle familier. Il se mue peu à peu en une bête trapue, avance avec lourdeur puis prend de la vitesse pour se changer bientôt en un pur-sang de jet.
Sa course rapide est gracieuse. Il file comme le vent de foulées en bonds, de bonds en envolées ; il glisse au creux des cieux sans plus d’apesanteur. Il monte vite, droit et sans hésitation pour déjà crever la couche des nuages où sa course s’accélère encore, cette fois au ras des rayons du soleil.
Sa robe noire se change en une blancheur éclatante, d’immenses ailes duveteuses s’effacent presque bientôt. La légèreté des plumes est à peine apparue que l’éclat du soleil transparaît au travers. Du duvet soyeux, il ne reste bientôt que de minces filaments de glace qui, à leur tour, disparaissent en un dernier murmure.
Un respire silencieux, le givre s’est évanoui. Plus la moindre trace, seulement la buée qui protège mes yeux de l’éclat blafard de la boîte en couleurs que je n’éteins jamais.
Hypnotisé, abruti par la litanie monocorde, je me gave d’images, nu, immobile dans ce profond pose-fesses, j’ai trahi mon brin d’herbe.
Je sens mon énergie s’écouler au fil des images. Jamais plus je n’aurai le courage de faire le moindre geste. Comme ça au moins, l’angoisse ne sera pas très longue. Quelques jours, une semaine tout au plus. Je ne crois pas que mes réserves naturelles me permettront de tenir au-delà.
Une heure encore, les toiles d’araignées gagnent du terrain. Je me rends compte que les images qui traversent mon esprit n’ont rien à voir avec cette boîte de malheur. Ce Pégase de supérette aux ailes transparentes n’est jamais apparu sur cet écran lumineux. Les visages poupins de ces Barbies flanquées de Kens à peine sortis du nid n’ont rien à voir avec mon délire de “bête à temps” fondant au-dessus des nuages. Je me transforme moi-même en carton à images, émetteur de mon propre programme, nourri de clichés et de poésies bon marché...
Non, il suffit, par Saint-Georges ! Il ne peut en être ainsi ! Nous aurons tôt fait de vaincre l’ennemi. Où sont les lances, les javelots et les arcs ? A moi le char d’assaut...
Ça y est, c’est reparti, je nage en pleine série, clone de Thierry La Fronde et de l’Agence Tous Risques.
Il ne reste plus que mon esprit qui dérive un peu plus entre les génériques. Déjà, mon corps est perdu. Je ne peux même plus tendre le bras pour tenter une diversion. Je suis et resterai jusqu’à la fin des temps un couillon trompé par la boîte magique.
Que néni mon quiqui, c’est sans hélice hélas que s’écrasent les avions, et c’est sans volonté que l’on s’écrase le nez !
Une lueur d’espoir dans ma torpeur glacée. Oubliés arbalète, javelots et autres bagatelles. Que vois-je sur la table, juste là, un broc bien rebondi qui doit regorger d’eau.
Oh que oui, l’espoir renaît au fond, mais très au fond alors. Je ferme un oeil, peut-être deux, pour rompre le charme et reprendre le contrôle, terrasser la malédiction de mon abnégation.
Dans un effort surhumain, mais sûr de lui, je bouge, fébrile, un auriculaire oublié. L’annulaire ne répond plus. Mais le majeur toussote. L’index indique, c’est son boulot, que diable, le broc d’eau salvateur.
Le pouce endolori vibrote piteusement. Pourtant, miracle, la main s’élève doucement. Le reste de mon corps n’a pas bougé d’un millimètre. Brave petite, va, je la vois s’élever, les muscles tout durcis, tremblotant par moments. Elle gagne du terrain et s’approche de la anse.
Déjà, je vois l’écran se remplir d’eau. Je n’aurai qu’à verser doucement pour voir Ken et Barbie sombrer dans l’agonie.
L’eau va monter, emplir l’écran et chaque recoin. Elle gagnera son combat lentement, au corps à corps, elle vaincra la lumière bleutée, délayera les couleurs acides des dessins inanimés. Elle emportera dans ses tourbillons les bijoux et les fourrures des baudruches liftées. Les fausses jeunes-vieilles et les vraies jeunes-connes seront englouties à jamais. Le costume de Super-bonhomme deviendra un Baby-Gros, beaucoup mieux adapté à son poupon piqué aux hormones. Toutes les roues et tapis divers retourneront enfin à leur place, au fond des eaux boueuses de leurs clinquantes cagnottes, galions télévisuels disparus pour toujours.
Dans ma grande mansuétude, je laisserai un petit passage sur la boîte à images pour laisser sortir les oiseaux et les lions que l’on y garde prisonniers. Mais, je prendrai grand soin d’assommer tout animateur à dents de porcelaine et ces connes de la météo qui annoncent le soleil quand tout le monde voit bien qu’il pleut partout autour. Je veillerai particulièrement à tordre le cou aux sportifs de tout bord qui tenteraient de fuir afin qu’il coule à pic.
Amour, passion, danger, trahison, tout doit disparaître ! Je sens la sueur perler à mon front. Je vais saisir la potiche. La libération n’est plus loin...
C’est alors qu’elle est rentrée, s’est approchée à vive allure et a tourné le bouton.
-Au boulot, Zébulon !

1 Comments:

Blogger Berny said...

ce serait merveilleux si votre livre était fait en pageflip, mais déja c'est très palpitant, bravo

10:00 AM  

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