Wednesday, March 15, 2006

Chapitre V...

CHAPITRE V /
Retour au royaume de Mamie Land…

Après avoir écrit à Séraphine, j’ai zoné dans mon repose-fesses pendant encore deux heures. Ce n’est que la famine qui m’a tiré de là avec ses doigts crochus. Mon estomac hurlait comme un fou ses atroces souffrances. Je suis resté perplexe de longues minutes devant la porte béante du frigidaire, une étendue blanche, luminescente et déserte.
Dans le frigo de “Mamie Land”, rien de beaucoup plus réjouissant. Un vieux pot de confiture entamé, sans couvercle, et le souvenir d’une demie livre de beurre... J’ai calé mon estomac avec un verre d’eau.
Comme la veille, je suis assis sans bouger à regarder mes pieds ; à intervalles réguliers, je relance d’un mot le monologue identique qui s’égraine jour après jour.
J’étais ce matin, en écrivant à Séraphine, dans un état étrange. J’ai du mal à me remémorer mes mots. Je crois que je me suis emballé sec. Peut-être n’aurais-je pas dû poster cette lettre.
Ce soir encore, je me sens trop énergique pour pouvoir dire que je suis vraiment bien. L’énergie peut-être très positive, mais elle peut aussi masquer certains problèmes. C’est un peu comme une sonnette d’alarme qui dirait “attention mon coco, si tu fais pas gaffe, il pourrait t’arriver des bricoles”. Je ne suis pas vraiment mal mais j’ai envie de je ne sais quoi. Je ne suis pas réellement serein, mais ça n’est pas mauvais. Bon, j’suis lave-vieux, mais ça pourrait être pire...
... Par exemple, Mamie aurait pu s’endormir et laisser échapper quelque vent fleuri qui aurait à coup sûr traversé sa robe, le couvre canapé et, bien entendu, le sommier de ma paillasse.
Manque de bol, l’odeur qui à l’instant chatouille mes subtiles narines et retourne mon coeur, ainsi que le doux bruit qui raisonne à mon oreille, viennent confirmer tôt fait que “ça ne pourrait plus être pire”.
J’ai passé plus d’une heure après avoir couché Mamie à tenter de réparer le cataclysme. Elle m’a déjà rappelé deux fois et, si je ne me décide pas à m’allonger dans la seconde, une belle et longue nuit blanche s’offrira à moi.
Malgré moult “briquage” et autre nettoyage, l’âcre odeur tapisse encore mes narines de nacre. Je ferme les yeux en essayant de me concentrer sur mon brin d’herbe...
Je suis à la lisière d’une étrange forêt. Les arbres sont si hauts que je ne peux en distinguer la cime. Je sais qu’au-dessus le soleil brille, mais tout autour de moi baigne dans une obscurité quasi totale. Je suis parfaitement à l’aise. Je sens que quelqu’un est derrière moi, mais je ne peux me retourner pour distinguer son visage. Cependant, il s’agit d’une personne familière. En m’approchant de l’orée des bois, je suis ébloui par la clarté du jour. Une douce bruine rafraîchit mon visage, je fais quelques pas encore et je suis en pleine lumière. J’entends le vent raisonner dans les hautes branches ; il semble que les extrémités des plus vertigineuses soient comme cristallisées. En s’entrechoquant délicatement, elles tintent comme des millions de clochettes. Si je tends l’oreille, j’ai l’impression d’écouter une mélodie, quelques couplets légers et le refrain cadencé.
Je sais que ma promenade est toujours accompagnée mais je ne peux toujours pas savoir de qui il s’agit. J’avance dans une prairie immense dont je ne vois pas la fin. En baissant le regard, je ne suis même pas étonné de voir sous mes pas pousser des fleurs incroyables aux pétales lourds et chamarrés. Tel un Bouddha des temps modernes, dans mon sillon croît un jardin extraordinaire. Je suis bientôt cerné de fleurs multicolores qui viennent jusqu’à ma poitrine. La présence derrière est ralentie par ces excroissances botaniques, mais continue à suivre.
La bruine autour de moi semble se resserrer et prendre corps au-dessus de ma tête. En regardant mieux, il y a maintenant une étendue d’eau scintillante qui remplit les nuages qui deviennent lentement un fond marin aux algues vaporeuses. Des papillons couverts d’écailles tournoient dans cet océan. De petites étoiles de mer brillent comme des diamants suspendus dans le vide.
Un lys plus téméraire déroule ses pétales au creux de mon cou pour exhiber son pistil et son calice au ras de mon visage. En me penchant, je distingue au fond de sa corolle quelque chose qui m’attire. Je m’approche un peu plus quand soudain les pétales soyeux se referment sur moi. Ma tête est prisonnière, mais je ne suis toujours pas Le calice semble s’être allongé démesurément ; je distingue alors une bouche peinte au creux d’un lit d’étamines safran. Les lèvres frémissent, et j’entends :
-Zébulon, l’eau coule en toi comme au milieu des mousses, là où les oiseaux nagent la tête en bas.
Presque aussitôt, mon visage est de nouveau à l’air libre. Je sens mon corps flotter et s’élever légèrement, puis pivoter sur lui-même jusqu’à ce que je me retrouve la tête en bas sans la moindre gêne.
Je reste un instant dans cette position, la tête au ras des fleurs. Je peux cette fois contempler le visage de mon compagnon. Ses traits sont ceux de Séraphine, mais son corps est étrange, à peine discernable sous son écorce brune, les bras autour sont deux branches élancées qui s’étendent et fleurissent de pétales transparents. Son visage me sourit, et je me sens doucement aspiré par cet océan céleste sans en troubler une seconde la surface, jusqu’à flotter bientôt dans ce nouveau monde où tout est inversé.
-Monsieur Zébulon..., vous dormez ?... N’est-ce pas l’heure ?...

Chapitre IV

CHAPITRE IV /
Première lettre à la belle…

Tel le furet des bois, je galope ventre à terre vers mon refuge secret. Les yeux bouffis et la bouche pâteuse, la tête encore pleine des grognements sonores de Mamie Marmotte...
J’ondule dans les escaliers comme un loup de dessins animés, à tout verzing(*), je m’engouffre dans le couloir et viens m’aplatir comme une nouille sur le loquet chromé. Fébrilement, je “déloquette”, tire sur la bobinette et me rue aux toilettes...
Aujourd’hui est un jour nouveau, sonnez clairons, raisonnez musettes. Tout va changer ! Mais pour l’heure, un bâchât de café et quelques tartinettes.
Je suis de nouveau dans mon pose-fesses préféré, mais victoire, j’ai été inspiré par une idée géniale. En face de moi, la boîte en couleurs est vaincue ; emballée dans un drap aux ligatures serrées, me voilà enfin libre de vaquer à mes occupations célestes.
Aujourd’hui, lundi, j’écris à Séraphine :

“Chère Séraphine,
Ah, le doux pouvoir des femmes. Enfin, bref... Je viens de finir ma nuit.
Hier, j’ai eu Madeleine au téléphone ; quelle drôle de sensation que d’écrire en entier le nom de sa mère. Ce n’est pas Mado, maman, madame, mais Madeleine La Superbe, La Merveilleuse, ensevelie sous les petits détails du quotidien dans la petite vie sotte des trois-quarts des gens.
Pourtant, je l’aime cette vie. J’ai envie pour toi, ma douce, de frivolités, de légèretés, de luxe. J’espère avoir le temps de t’offrir ça un jour. J’aurai le temps!
Au téléphone, nous avons discuté de choses et d’autres. Je la sentais résignée aux événements, à sa vie, alors que tant de choses auraient pu se passer autrement. Il est inutile de penser à ce qui aurait pu être fait, je crois qu’il y a beaucoup à faire.
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’espoir juvénile. Je refuse les espoirs gratuits, les rêves qui n’aboutissent jamais. Il faut savoir réclamer sa part, ne pas se laisser ronger peu à peu par les gens, par la vie, par l’ennui.
J’ai le plus grand respect pour les rêves qui dirigent toute une vie. Qui font dans le désordre un fil conducteur, mais il faut qu’ils aient des visages concrets ; quel mot petit : concrétiser ses rêves, dieu que c’est étriqué.
Mais l’idée est là : il faut savoir les vivre, au moins en partie. Non, toujours en partie, mais avec passion.
Ma tendre Séraphine, mes délires post-boutonneux sur le sens de la vie doivent te paraître un peu désuets. T’as encore rien vu, Lulu.
Pourquoi ma chère mère m’a-t-elle fait naître garçon ? Moi qui n’était pas désiré. Moi qui suis arrivé dans sa vie comme un nouveau souffle de jeunesse, même si son diable d’homme a sombré à l’exact moment où je pointais mon nez au creux de son anatomie (celle de Mado, bien sûr).
Quoi qu’il en fusse, malgré la dépression qui n’est sans doute pas aujourd’hui encore en voie de guérison, dans ma largesse d’esprit naturelle, je l’aime et le bénis.
Je ne regrette rien, j’aimerais plus me souvenir de ma petite enfance, elle, jeune et rayonnante, lui, jeune et dépité, déprimé devrais-je dire.
Elle n’était pas encore prête à passer de l’ex-mère à la grand-mère, puis à la vieille dame, et elle avait tellement raison.
Lui n’était pas prêt non plus, mais pour d’autres motifs. Il aurait bien voulu qu’on lui lâche la grappe...
Quoi qu’il en soit, je suis arrivé avec mes attributs sous le bras, non, entre les jambes, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’était pas un cadeau. Si l’homme a eu de tout temps et encore bien souvent la place heureuse (ça, faut voir), il suffit d’un peu de recul pour voir qu’il n’est toujours qu’un pion, une misérable chose, charmante bien souvent, se croyant souverain, qui pavoise et ergote de se savoir pourvu d’une baguette magique, mais qui sera condamné à ne jamais créer.
Bien sûr qu’il joue son rôle, mais qu’on ne vienne pas me dire qu’il est l’égal de la femme. Lui qui ne produira jamais que des têtards laiteux !
Pourquoi a-t-il toujours cherché à dominer la femme, à réprimer ses désirs... Il se pourrait que la réponse soit insupportable.
C’est la femme qui portera les enfants, et ce jusqu’à la nuit des temps (enfin, j’espère). Le pouvoir de l’homme est si réduit qu’il en devient ridicule.
La filiation se fait par les femmes et uniquement par elles.
Que pouvais-je donc faire, moi, dans cette famille de femmes, avec ma ridicule binette ? Mais comment donc ont fait mes frères ? Je n’imagine même pas mon père...
Tu comprends maintenant pourquoi je te presse tant de me faire un enfant. Non, excuse-moi, de nous faire un enfant.
Jusqu’à présent, il a toujours fallu que je domine cette impossibilité de l’enfantement. Que pouvais-je donc faire contre ce dénuement ? Créer, ce à quoi je m’attache. C’est la seule chose, avec ton sourire, qui apaise mon infirmité. Notre infirmité devrais-je dire, messieurs. Heureusement pour vous, car je ne suis pas dupe. Vous ne vous rendez souvent pas compte ! La femme est donc tellement supérieure qu’il ne nous reste aucun espoir ? Rassurez-vous, la nature a bien fait les choses. Peu de femmes connaissent leur pouvoir, ou le comprennent trop tard.
Enfin sommes-nous, hommes et vous femmes stériles, condamnés au suicide, à une vie inutile, fade, vaine, sans intérêt, triste à pleurer, insipide et sans goût. Non bien heureusement, mais notre tâche sera d’autant plus dure, aride, pénible, épuisante, terrassante, compliquée et délicate : il faudra à l’homme cesser de se croire supérieur de par son appendice, il devra trouver sa voie la plus féconde, faute d’enfantement. Nous pourrons donner jour à nos dons les plus exceptionnels, la seule condition est de savoir jouir de la vie. Et vous, mères, prenez conscience de votre pouvoir et ne vous contentez pas de mettre bas ; vous êtes Dieu.
Comme souvent, douce Séraphine, un doute affreux me transperce violemment. Se pourrait-il que je me sois quelque peu égaré en venant jusqu’à toi...
Je n’ose pas relire ces quelques lignes. Je me sens faible d’un coup, comme vidé après une analyse.
Je t’embrasse comme je t’aime.
Zébulon.

P.S. : Veux-tu bien nous faire un enfant ?
Mes oreilles bourdonnent, j’ai l’impression étrange d’avoir mener plusieurs conversations en même temps et mes tempes commencent à être douloureuses. Mes sœurs devaient avoir raison quand elles me traitaient de schizophrène…
(*)Verzing : à toute allure.

Monday, February 06, 2006

Troisième Chapitre...

CHAPITRE III/
Surviavor Mamie…

Me revoilà assis auprès de Mamie. Elle parle sans que je ne puisse distinguer les mots les uns des autres, parfois une bribe prend sens au fond de moi. Elle répète ce qu’elle me disait hier et avant-hier, ce qu’elle disait le jour d’avant encore et me dira demain. Pour l’instant, je suis absorbé par ses mains qui virevoltent devant ses yeux qui n’entrevoient presque plus rien. Le soir, pour m’accueillir, elle tire son cou pour venir coller son front presque entre mes deux yeux. En me pliant en deux, je vois sa bouche où trônent fièrement deux chicots sanguinolents :
-J’ai encore mes dents, vous voyez !
Ce souvenir traverse mon esprit et je reviens à ses mains qui gigottent. Le creux du coude est si maigre que je pourrais distinguer tous les détails de l’articulation. Sa peau, autour, ressemble au cou de poulet que buclait(*) ma grand-mère sur le vieux poêle à bois. Ses veines bleues et flasques roulent sous la peau comme deux vers de terre dans un emballage vide. Un flot d’images atroces s’enchaînent devant mes yeux : j’imagine ses seins vidés de toute substance qui font “floc” en retombant lorsque chaque matin je lui fais sa toilette. Sa colonne est tordue et mène à la raie plate de ses fesses ratatinées. Sa peau est tellement fine qu’elle se colle et brille comme le papier à cigarette qui a jauni après être resté au soleil. Ses cheveux sont rares et gras, mais drus comme il est peu courant. Par petits paquets de trois, ils se dressent fièrement aux quatre coins cardinaux. J’essaye d’interrompre le flot sordide, sans grand succès. Putain de merde, je sens que je vais flipper. Vite, pensons à Jeanne... Mais au fait, elle n’est plus très jeune non plus...
Trop tard. Je suis pris au piège, je sens l’angoisse et la résignation me gagner en aidant Mamie à se lever pour aller se coucher.
-Oh, monsieur Zébulon ! Je crois bien que j’ai un morceau de coton dans l’anus ! Vous ne voulez pas regarder ?
J’ai dit “oui”, quel con ! Que pouvais-je faire d’autre ?... Pourvu qu’il n’y ait que du coton...
Elle peut pas mettre des couches comme tout l’monde, cette vieille taupe ? Je jette un oeil autour de moi, sur le dessus de lit râpé, l’unique table de chevet où trône une lampe avec son squelette d’abat-jour, je regarde le papier déchiré sur les murs et les rideaux jaunis.
Je suis vraiment trop con, je l’adore cette vieille bique. La pauvre perd chaque jour un peu plus de ce que la vie lui avait offert. Sa petite-fille lui a tiré ses rentes et elle, elle attend désespérément une chambre dans un mouroir. Quelle perspective ! Et je suis là en train de dresser l’inventaire de ses difformités.
Oh hé ! Faut que je me calme, moi ! Je ne peux pas porter toute la misère du monde sur mes épaules ; j’ai de la tendresse pour cette vieille, mais elle me fait flipper. Faut que j’me décide à faire autr’chose.
Et merde !... J’savais bien qu’il n’y avait pas que du coton...
Allez zou ! Le Témésta, les bas ratatineurs de bouts de pieds qu’on met trois heures à enlever. Les gouttes de zoeil qui font “plic”, le bisou qui fait “schlurp” et la main qui s’agrippe. Y’a pas à dire : ce soir, j’ai droit à tout ! Le grand numéro sans Jeanne et la boule au plafond. Et un grand “schlurp” de l’autre côté ; j’m’en fous, elle peut plus me mordre, ses chicots sont au fond.
Cinq rappels et deux bis, bon score. Ce soir, j’ai dû être bon. Je rampe jusqu’à ma paillasse qui se trouve dans la pièce d’à côté, le matelas est défoncé et le sommier grincheux. J’y plonge sans broncher et m’endors presque aussitôt... Dans une heure, elle m’appelle pour faire pipi.
(*) buclait : brûler la peau du cou.

Tuesday, January 17, 2006

Deuxième Chapitre...

CHAPITRE II/
Tic tac, tic tac, tic tac…

Heure après heure, je laisse le temps passer. Minute après minute, seconde après seconde, il devient un pas cadencé, un souffle familier. Il se mue peu à peu en une bête trapue, avance avec lourdeur puis prend de la vitesse pour se changer bientôt en un pur-sang de jet.
Sa course rapide est gracieuse. Il file comme le vent de foulées en bonds, de bonds en envolées ; il glisse au creux des cieux sans plus d’apesanteur. Il monte vite, droit et sans hésitation pour déjà crever la couche des nuages où sa course s’accélère encore, cette fois au ras des rayons du soleil.
Sa robe noire se change en une blancheur éclatante, d’immenses ailes duveteuses s’effacent presque bientôt. La légèreté des plumes est à peine apparue que l’éclat du soleil transparaît au travers. Du duvet soyeux, il ne reste bientôt que de minces filaments de glace qui, à leur tour, disparaissent en un dernier murmure.
Un respire silencieux, le givre s’est évanoui. Plus la moindre trace, seulement la buée qui protège mes yeux de l’éclat blafard de la boîte en couleurs que je n’éteins jamais.
Hypnotisé, abruti par la litanie monocorde, je me gave d’images, nu, immobile dans ce profond pose-fesses, j’ai trahi mon brin d’herbe.
Je sens mon énergie s’écouler au fil des images. Jamais plus je n’aurai le courage de faire le moindre geste. Comme ça au moins, l’angoisse ne sera pas très longue. Quelques jours, une semaine tout au plus. Je ne crois pas que mes réserves naturelles me permettront de tenir au-delà.
Une heure encore, les toiles d’araignées gagnent du terrain. Je me rends compte que les images qui traversent mon esprit n’ont rien à voir avec cette boîte de malheur. Ce Pégase de supérette aux ailes transparentes n’est jamais apparu sur cet écran lumineux. Les visages poupins de ces Barbies flanquées de Kens à peine sortis du nid n’ont rien à voir avec mon délire de “bête à temps” fondant au-dessus des nuages. Je me transforme moi-même en carton à images, émetteur de mon propre programme, nourri de clichés et de poésies bon marché...
Non, il suffit, par Saint-Georges ! Il ne peut en être ainsi ! Nous aurons tôt fait de vaincre l’ennemi. Où sont les lances, les javelots et les arcs ? A moi le char d’assaut...
Ça y est, c’est reparti, je nage en pleine série, clone de Thierry La Fronde et de l’Agence Tous Risques.
Il ne reste plus que mon esprit qui dérive un peu plus entre les génériques. Déjà, mon corps est perdu. Je ne peux même plus tendre le bras pour tenter une diversion. Je suis et resterai jusqu’à la fin des temps un couillon trompé par la boîte magique.
Que néni mon quiqui, c’est sans hélice hélas que s’écrasent les avions, et c’est sans volonté que l’on s’écrase le nez !
Une lueur d’espoir dans ma torpeur glacée. Oubliés arbalète, javelots et autres bagatelles. Que vois-je sur la table, juste là, un broc bien rebondi qui doit regorger d’eau.
Oh que oui, l’espoir renaît au fond, mais très au fond alors. Je ferme un oeil, peut-être deux, pour rompre le charme et reprendre le contrôle, terrasser la malédiction de mon abnégation.
Dans un effort surhumain, mais sûr de lui, je bouge, fébrile, un auriculaire oublié. L’annulaire ne répond plus. Mais le majeur toussote. L’index indique, c’est son boulot, que diable, le broc d’eau salvateur.
Le pouce endolori vibrote piteusement. Pourtant, miracle, la main s’élève doucement. Le reste de mon corps n’a pas bougé d’un millimètre. Brave petite, va, je la vois s’élever, les muscles tout durcis, tremblotant par moments. Elle gagne du terrain et s’approche de la anse.
Déjà, je vois l’écran se remplir d’eau. Je n’aurai qu’à verser doucement pour voir Ken et Barbie sombrer dans l’agonie.
L’eau va monter, emplir l’écran et chaque recoin. Elle gagnera son combat lentement, au corps à corps, elle vaincra la lumière bleutée, délayera les couleurs acides des dessins inanimés. Elle emportera dans ses tourbillons les bijoux et les fourrures des baudruches liftées. Les fausses jeunes-vieilles et les vraies jeunes-connes seront englouties à jamais. Le costume de Super-bonhomme deviendra un Baby-Gros, beaucoup mieux adapté à son poupon piqué aux hormones. Toutes les roues et tapis divers retourneront enfin à leur place, au fond des eaux boueuses de leurs clinquantes cagnottes, galions télévisuels disparus pour toujours.
Dans ma grande mansuétude, je laisserai un petit passage sur la boîte à images pour laisser sortir les oiseaux et les lions que l’on y garde prisonniers. Mais, je prendrai grand soin d’assommer tout animateur à dents de porcelaine et ces connes de la météo qui annoncent le soleil quand tout le monde voit bien qu’il pleut partout autour. Je veillerai particulièrement à tordre le cou aux sportifs de tout bord qui tenteraient de fuir afin qu’il coule à pic.
Amour, passion, danger, trahison, tout doit disparaître ! Je sens la sueur perler à mon front. Je vais saisir la potiche. La libération n’est plus loin...
C’est alors qu’elle est rentrée, s’est approchée à vive allure et a tourné le bouton.
-Au boulot, Zébulon !

Monday, January 09, 2006

Premier Chapitre de Confus et Rare, roman en foramtion...

CHAPITRE I/
La complainte du lave vieux…

Houlà, j’ai les boulettes. J’suis mal.
J’ai comme une angoisse sans visage, vous savez, celle qui vous broie les côtes, juste pour le plaisir.
J’suis là à laver les fesses de cette petite vieille en me torturant les méninges. Cinq ans d’études supérieures d’art pour me retrouver lave-vieux.
Pourtant, je sais qu’j’y ai droit. J’l’ai toujours su. A quand remonte le jour de cette révélation ? J’étais tout gosse, 4/5 ans. J’sais plus trop. J’étais devant ma télé entre mes parents et mes huit frères et soeurs ; quand j’l’ai vu eux, superbes. Bordel !
Michel Serrault et Jeanne Moreau, dans la boîte en couleurs. Ah non. Nous, on n’avait qu’un vieux carton en noir et blanc.
J’l’ai vu et j’ai su. Su que j’y avais droit. Moi aussi. Demain ce sera moi, là, sous les feux de la rampe. Où elle est cette conne ! Et la boule au plafond ? Les robes à paillettes et les déluges de perles ? Non, là j’dérape.
J’imagine bien que je ne dois pas être le premier neuneu à être persuadé que l’on n’attend que lui. Mais, je vous assure, que j’ai un bel avenir devant moi.
Quand on n’a pas de fric, pas de connaissances, mais des étoiles dans la tête, de l’or dans le coeur et du vent dans les mains, qu’est-ce qu’on peut faire ? Réponse : lave-vieux !
Moi j’m’en fous. Mon futur job, c’est ange, et pas n’importe lequel.
A présent, j’ai un coeur à deux vitesses. Mon coeur d’homme perdu au creux des singes et mon coeur d’être vivant qui bat pour me faire rire.
Tous deux sont en corps à corps incessant, en coeur à coeur.
Le jour, je parais solide, posé, insensible peut-être. Le soir parfois, le coeur de l’homme s’affole et se fissure doucement, jusqu’à laisser perler une larme d’amour que la bouche du jour n’a pas su exprimer.
Il m’arrive de me réveiller en larmes, moi qui ne pleure jamais. D’un regard perdu, je recherche mes ailes. C’est pas l’heure! Merde, c’est vrai, il faut encore attendre...
Je rêve encore un peu de ces ailes qui, déployées, unissent la terre au ciel et caressent les étoiles. Mais attention, pas d’auréole. Trop lourde, trop chiante.
Il y a des nuits où mon coeur d’homme fait trembler mon âme et où le désespoir pourrait s’immiscer. J’interromps toujours mon sommeil un peu avant de sombrer. Trop de choses à faire encore. De responsabilités, mais aussi et surtout, de plaisirs. Oh oui, de plaisir à prendre encore, à partager la vie.
Croiser de nouvelles histoires, apprendre, échanger, partager un rayon de soleil ou simplement respirer le même air pour savourer la joie d’être là, ici, maintenant.
Qu’arrivera-t-il quand il faudra céder la place. Renoncer au prochain lever de soleil, à la prochaine ascension de la lune ?
Quitter ce coeur d’homme et ce coeur d’être vivant, dériver vers le néant d’un avenir inconnu. Quelles craintes avoir ? Pourquoi prévoir un cataclysme ?
J’aimerais partir par une belle journée parfumée, ou enveloppé par une chaude nuit d’été où les étoiles sillonnent le ciel pour s’éteindre à jamais.
Mais je partirai au hasard de la vie. Le temps, les lieux, les gens seront exactement ceux qui conviendront. Aujourd’hui, je suis là et heureux de goûter cette vie-ci. Quant à ma vie d’après….
Souvent, je suis sarcastique. Pas une seconde, je ne baisse la garde et joue sans cesse avec les mots. Je dis parfois des choses affreuses. J’ironise, je n’épargne rien ni personne. Mon seul souci est d’éviter la méchanceté. Je n’ai aucun désir de faire souffrir l’autre.
Je ne sais plus fonctionner autrement. J’aime ces rapports incertains. Ces phrases assassines qui sont plus simples que des mots doux. Je n’aime pas les tendresses sucrées.
Je regarde ma vieille pleurer sur sa solitude et je suis partagé entre colère et chagrin. J’vais la passer par la fenêtre, y’a plus que ça !
Jusqu’à aujourd’hui j’ai pris ma solitude pour ma meilleure amie. Elle a grandi avec moi. Chaque souffle, je l’ai partagé avec elle. Personne ne me connaît mieux. Moi qui prend grand soin de cultiver mon jardin, qui ne laisse entrevoir de ma vie que ce que je souhaite laisser à la postérité. Y’a rien à faire, ma solitude, elle, connaît chaque recoin de mon âme. J’ais toujours cru que jamais je ne voudrai unir ma solitude à une autre. L’idée seulement me faisait bondir. Aujourd’hui, je ne sais plus que penser.
Je ne voyais pas cette solitude comme une prison, un rempart à l’autre ou une carapace défensive. Elle me semblait très coulante, semblait me permettre d’aimer aussi parfois, mais là, secret défense !
Où est ma « solitude ultime alliée », celle qui est toujours présente. Celle que l’on doit apprivoiser et entretenir. Si l’on triche avec elle, c’est elle qui aura le dernier mot. Se sentir mal avec elle, laisser la moindre angoisse s’immiscer et elle peut vous briser en une fraction de seconde, comme on souffle sur un rayon de poussière. Elle est là plus que jamais, elle est là et elle gagne !
Non ! Je ne la laisserai pas faire ! Aujourd’hui, je suis sur mon brin d’herbe à regarder le ciel. De feuilles en feuilles, de pétales en écorces, le monde m’attend encore !
Je ne suis qu’un sourire insignifiant dans l’univers, mais dans mon âme j’ai les clefs du monde ; et dans mon sang celles de l’autre.
-Tu vas mourir, Bilou !
Oui, je “mourirai”. Demain, un jour, peut-être.
-Monte le son et vis plus vite !
Pourquoi plus vite. Mieux. Simplement.

Je mets mes bottes, mon chapeau à plumes et mon tee-shirt à paillettes.
Après-demain, je serai un ange, mais pour l’heure, il faut sortir Mamie.
Je crois qu’elle fait la tête. Elle ne veut pas me croire quand je lui dis que demain, Jeanne, c’est moi !

L'Origine du Monde, Variation... Frédérick, décembre 2005

Il s'agit d'un photomontage, premier d'une série exclusivement centré sur le corps. Il n'est pas une illustration du contenu de ce nouveau blog de l'Atelier Appâts d'Anges, mais servira d'icône signalant un contenu romancé pouvant heuter le jeune pulic ou les adultes non avertis.
Le propos de ce nouveau bloc Chroniques d'Anges, contrairement à Histoires d'Anges qui est réelement tout public, est de vous présenter le dernier romans sur lequel je travail sous la forme de chroniques actualisées chaque semaine. Il y sera question d'amour, de passion, d'ambition ou plutôt d'aspiration. Une histoire vécu et rêvée à la fois, qui dévoile un peu plus mon univers. N'hésitez pas à me livrer vos réactions. Restez ouvert et découverez les tribulations d'un doux dingue... Bonne lecture et à bientôt, Frédérick